Claude De Varennes, témoignage de proche aidant

Ma mère.
D’aussi loin que je me rappelle, j’ai été proche-aidant. Déjà à l’âge de quatre à cinq ans, j’allais faire des commissions pour les personnes âgées du Jardin de l’enfance que je fréquentais.
Mes parents ont été famille d’accueil pour des enfants en difficultés durant de nombreuses années et ma grand-mère hébergeait des hommes qui étaient en réhabilitation sociale.

Les valeurs d’entraide, de partage et de non-jugement ont fait parti de mon éducation et font toujours parti de mes valeurs.

J’ai hébergé ma mère lorsque nous nous sommes rendu compte qu’elle ne pouvait plus subvenir à ses besoins et qu’elle n’avait pas payé son loyer depuis trois mois, ni payée ses impôts.

Je n’ai pas envie d’énumérer toutes les anecdotes et les choses farfelues qu’elle a pu faire, mais j’ai plutôt envie de dire que ma mère était une personne sans malice, dévouée, protectrice et très travaillante. J’ai envie de lui rendre hommage pour son courage, pour sa capacité à se dépasser malgré son handicap physique et parce qu’elle a su me transmettre toutes ces belles valeurs. J’ai envie de partager avec vous que cette expérience de proche aidance avec elle qui fût une occasion de reconnexion avec cette personne, la seule que je peux appeler Maman.

Quelques années plus tard, je reçois un appel téléphonique de mon frère à qui je ne parlais plus depuis six ans. Il m’annonçait qu’il était atteint de trois cancers et que son temps était compté. Il me demandait de l’aide compte tenu des frais exorbitants de transports de Labelle à Montréal pour ses traitements et les consultations médicales. Il n’avait pas les moyens financiers pour assurer ces coûts et n’était plus capable de conduire.

En me demandant mon aide, il m’a dit : « tu es mon frère quand même ». Mon frère était une personne souffrante, immensément jaloux et centré sur sa personne. Il n’avait pas vraiment d’amis, car il trouvait toujours une façon de saboter les relations qu’il avait.

Je me suis occupé de mon frère pendant les deux années qui ont suivi. Transport dans les hôpitaux, gestion de ses papiers (il n’était pas instruit et ne comprenait pas toujours bien le sens des demandes) ainsi que beaucoup de documents et formulaires à compléter pour les assurances. Nous l’avons déménagé deux fois. Et à un moment donné, nous avons dû l’héberger chez nous, car c’était plus pratique pour qu’il obtienne les soins nécessaires à sa condition.

Nous l’avons installé confortablement en lui laissant un espace suffisant pour ses besoins. En fait, nous avons fait tout pour que sa fin de vie se réalise dans une atmosphère chaleureuse et conviviale.

Mais ce n’était jamais assez, il cherchait tous les prétextes pour créer une confrontation, il parlait dans mon dos et essayait de monter mon fils contre moi. Aucune gratitude de tout ce que nous pouvions faire. Nous avons assumé beaucoup de frais sans jamais qu’il pense même à nous offrir un simple café… Aucun mot gentil, que des critiques. Beaucoup de violence dans la manière de se dire et de se comporter.

Les proches aidants que je forme me racontent souvent ce genre d’histoire et parfois des pires encore. Et souvent dans ce genre de relation toxique, les proches – aidants s’épuisent, tombent en dépression, mettent leur vie et leurs activités de côté pour être au service de leur proche en s’oubliant complètement. Parfois certains meurent avant le proche qu’il aide, et/ou se rendent très malades. La culpabilité de ne jamais faire assez devant les demandent incessantes de l’autre usent psychologiquement, physiquement et moralement.

Souvent sans mauvaises intentions, nous maintenons un cycle de codépendance à l’autre et nourrissons ses insatisfactions.

Heureusement, je savais à qui j’avais à faire. Heureusement, j’ai une formation en gérontologie, heureusement j’ai accompagné beaucoup de personnes en fin de vie.

J’ai appris la compassion et toutes ces belles valeurs qui m’ont été transmises, mais j’ai aussi appris à dire non, à me respecter et j’ai appris les risques reliés à la relation d’aide. Par-dessus tout, j’ai appris à prendre soin de moi, car je suis tout aussi important que la personne que j’accompagne.

Si vous êtes un.e proche-aidant.e ou un.e aidant.e naturelle, n’attendez pas d’être au bout du rouleau pour demander de l’aide, pour comprendre la maladie de l’autre, pour vous comprendre vous-mêmes dans ce contexte particulier d’aide, pour connaître et utiliser les ressources qui vous sont nécessaire.

Demander de l’aide… C’est une question d’équilibre.

Claude de Varennes